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(Ouvrir l'image dans un nouvel onglet pour l'afficher pleine page) - image en LRVB obtenue à l’aide de l’instrument FORS, télescope de 8,2 mètres. ESO. Cerro Paranal. Le champ de vision est d'environ 7 minutes d'arc.
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NGC 936, acquisitions entre le 1 et le 13 janvier 2019.
Nerpio. C11 Edge HD, réducteur de focale Célestron x 0.72, ATIK 4000 MM, Paramount ME
Logiciels CCD AP, MaximDL et Pixinsight (sans PhotoShoping)
Poses unitaires de 150 secondes. 68L 14B 11R soit quasiment 4H de pose au total.
Astrométrie par PI :
Résolution de « 0.387 arcsec/px » après drizzle en scale 2, soit 0.774 arcsex/pix en acquisition
Field of view : 24' 17.7" x 25' 25.9"
Image center RA : 09 32 10.004 Dec : +21 29 54.97
NGC 936 - NGC 941
Introduction à l'éjection de quasars par les galaxies
Introduction
cette image montre une "erreur de débutant" classique : je n'ai pas checké les galaxies voisines au moment de programmer ma session d'observation. Résultat, je n'ai pas l'intégralité de NGC 941 ni la jolie petite PGC en bas de l'image...
Pour autant, NGC 936 et NGC 941 sont très intéressantes l'une et l'autre car elles mettent en évidence l'éjection de quasars par leur galaxie mère (un phénomène qui sera confirmé plus tard que l'étude référencée ici, publiée en 2006); ainsi cette image va nous permettre d'introduire l'association de galaxies actives à faible décalage vers le rouge avec des quasars à haut redshift, confirmées en données radio, optiques et radiographiques.
Les quasars sont indiqués par des petits cercles ajoutés sur la photo, «fusionnée » aux banques de données SDSS à travers le logiciel Aladin. Certains de ces quasars présentent une magnitude d'au moins 20.8 et même possiblement 21+ sur l'un deux, qui n'est pas visible en filtre "SDSS" sur Aladin.
Description
NGC 936 (= GC 544 = JH 223 = WH IV 23) est une galaxie lenticulaire de magnitude 10.2 de la Baleine, découverte le 6 janvier 1785 par William Herschel. John Dreyer l'a décrite comme "très brillante, très grande, arrondie, nettement plus brillante au milieu et au noyau".
Elle forme une paire avec NGC 941. Galaxie classée SB0 C sur Simbad, elle est la glalaxie-type type SB(rs)0+ dans l’atlas de Vaucouleurs.
Des mesures non fondées sur le redshift donnent une distance de 20,750 ± 6,054 Mpc (∼67,7 millions d'a.l.), ce qui est compris dans les distances calculées en employant la valeur du redshift.
NGC 936 fait partie du groupe de galaxies homonyme, comprenant les galaxies NGC 955, UGC 1839, UGC 1862, UGC 1981, MCG -1-7-20, UGC 1945 et NGC 941.
NGC 936 n'abrite que de vieilles étoiles et ne montre aucun signe de formation récente d'étoiles.
Les lignes correspondent aux cinq positions de la fente lors de l’étude de Kormendy. Les symboles ꙩ et ꚛ indiquent respectivement quelle portion du disque s’approche ou s’éloigne de nous. La ligne en pointillés estime la position de l’axe secondaire cinématique (c’est-à-dire de vitesse nulle par rapport à la vitesse systémique)
Un peu de science
Des barres...
Les barres telles que celle observée dans NGC 936 sont une caractéristique commune au sein des galaxies avec une fréquence estimée à 30%. Cependant il faut bien reconnaître que celle-ci est assez unique en son genre. Surnommée « Darth Vader’s galaxy » par les anglophones, il est vrai que sa ressemble est frappante avec un chasseur TIE du film Star Wars (Twin Ion Engine, pour les ignares ^^), et, comme le fait remarquer avec humour l’ESO, bien qu’elle soit un symbole parfait du côté obscur de la Force, nous ne savons toujours pas si cette galaxie est dominée, comme la plupart des autres, par une grande quantité de matière noire.
En effet, la présence de zones périphériques étendues ne présentant aucune diminution de vitesse avec le rayon dans les courbes de rotation du gaz au-delà du rayon optique dans les galaxies "en S" reste l'un des problèmes les plus importants de la physique des galaxies et l’un des piliers de l'hypothèse de l'existence de la matière noire, dont la masse peut dépasser sensiblement celle de la matière visible dans les disques galactiques (aussi référencée sous l'acronyme Md).
Mais dans le cas de NGC 936, la situation est plus complexe ; la barre asymétrique qui se forme dans le disque entraîne une interaction gravitationnelle avec la matière du halo (avec un transfert du moment angulaire du disque vers le sous-système sphéroïdal, composé du halo et du bulbe), ce qui fait dire aux astrophysiciens que la masse du halo (Mh) à l’intérieur du rayon optique doit être comparable voire même supérieure à la masse Md (ce qui est suggéré par la stabilisation efficace du mode global "en barre" par le sous-système sphéroïdal massif).
Pour le plus péchus, la vitesse du diagramme de la barre Ωp a été estimée à 60 ± 14 km/s/kpc (en supposant une distance de 16,6 Mpc). Cette mesure place le rayon de co-rotation juste au-delà de l'extrémité de la barre, en accord avec les calculs théoriques.
La courbe de vitesse stellaire (V∗) de NGC 936 est bien connue, mais la vitesse de rotation du gaz (Vgaz) n’est connue qu’à proximité de r ≃ 8 kpc. La différence entre Vgaz et V∗ est petite avec V∗/Vgaz = 320/360 = 0,89, ce qui fournirait une preuve supplémentaire d’un halo relativement massif, les modèles dynamiques sans halo donnant V∗/Vgaz ≃ 0,7.
Indépendemment des observations faites ci-dessus sur NGC 936, on peut rappeler, concernant la formation des barres au sein des galaxies, que, d'une manière générale, le « mode global de formation de barre » est un modèle (parmi d'autres) de l'instabilité des disques stellaires simples à support rotatif.
Dans le régime linéaire, l’instabilité prend la forme d’une spirale ouverte à deux bras mais, à mesure qu’elle sature, la forme se "raidit" en une barre dans la portion la plus interne du disque tandis que la spirale dans la portion externe du disque s’enroule et se disperse.
L'instabilité entraîne un réarrangement considérable du moment cinétique du disque, avec un modification du profil de masse (moyenné de manière azimutale), le disque interne devenant plus dense et la matière s'étendant de façon égale vers l'extérieur.
La suite de l’évolution des barres est nettement plus velue, et je vous livre ce lien assez top (mais en anglais) pour les plus courageux.
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...Et des quasars
Mais NGC 936 et NGC 941 vont surtout nous permettre d'introduire l'existence de phénomènes d'expulsions de quasars par leur galaxie.
Comment expliquer qu'une galaxie puisse expulser ses quasars ?
Pour cela, il faut rappeler plusieurs éléments importants. Tout d'abord, il existe deux théorèmes qui stipulent 1) que tout déplacement d'objets dans l'espace qui conserve sa forme est une composition de translation et de rotation, et 2) que l'invariance des lois de la mécanique par des translations et des rotations est reliée à la conservation de la quantité de mouvement et du moment cinétique (théorème d'Emmy Noether publié en 1918, lié à la notion de symétrie et de groupe en mathématique, qui fut qualifié par Albert Einstein de « monument de la pensée mathématique »). Ensuite, il faut savoir que les lois de conservation établies pour des corps matériels sont aussi valables pour les champs de forces qui s'exercent sur eux. L'exemple traditionnel de la conservation conservation du mouvement de translation est celui de la boule de billard qui en percute une seconde, la conservation du mouvement de rotation étant celui de la patineuse qui, tournant sur elle-même, tourne plus vite en rapprochant les bras de son corps et inversement.
Autrement dit, la conservation totale des quantités de mouvement et de moment cinétique passe par des quantités de mouvement et de moment cinétique, y compris pour des champs électromagnétiques et de gravitation. Ou encore : la lumière et les ondes gravitationnelles transportent donc de la quantité de mouvement et du moment cinétique qu'elles peuvent prendre ou donner à des corps.
Prenons maintenant le cas de la fusion d'un trou noir binaire, comme celles qui sont observées par Advanced LIGO et Advanced VIRGO.
Ces trous noirs binaires rayonnent des ondes gravitationnelles et perdent donc de l'énergie, de sorte que la largeur de leur orbite diminue et qu'ils finiront inévitablement par entrer en collision. Les ondes gravitationnelles émises emportent également du moment cinétique mais il se trouve que lorsque les masses des trous noirs sont différentes, l'émission d'ondes gravitationnelles ne se fait pas "à symétrie sphérique", de sorte qu'il y a une émission plus intense dans une certaine direction. Au moment final de la collision entre les deux trous noirs, le trou noir binaire émet un faisceau d'ondes gravitationnelles, emportant de la quantité de mouvement, exactement comme l'éjection de gaz par une fusée ; le trou noir final peut donc se retrouver propulsé dans la direction opposée, sa quantité de mouvement étant en relation avec celle emportée par les ondes (et de sorte que la somme totale des quantités de mouvement soit conservée). Dans certains cas, la vitesse acquise par le trou noir résultant peut être vertigineuse, de l'ordre de 5.000 km/s, ce qui est largement suffisant pour lui permettre de quitter la galaxie qui l'abritait.
Ici, NGC 936 et sa voisine NGC 941 montrent l’une et l’autre exactement ce phénomène, mis en évidence par Arp dès 2006, où, à l’époque, il n’avait pu que constater en émission radio, optiques et émission X l'association de ces deux galaxies actives à faible décalage vers le rouge avec des quasars à fort décalage vers le rouge mais sans pouvoir en expliquer la cause (il remarquait des éventuelles interactions des quasars avec les bras spiraux, qui, soit guideraient leur éjection soit seraient causés par leur éjection, l’étude s'appuyant aussi sur les interactions de NGC 613 qui présente plusieurs paires de quasars, et, incidemment, plusieurs bras asymétriques).
Ainsi, Arp faisait tout d’abord remarquer qu’une paire de quasars à valeur de redshift élevée et similaire se trouvait sur une ligne passant par NGC 936, comme s’ils avaient été éjectés "en miroir" (comme le montre sur le schéma 1 ci-dessus, qui représente deux cartes SIMBAD où ont été annotées les différents quasars du ciel en périphérie de NGC 936 à 15 et à 50’ de rayon, et où l’on voit que la source X la plus forte coïncide avec le puissant quasar radio de z = 2,04. De l'autre côté de NGC 936 se trouve le quasar z = 2,18, qui est proche d'une source X plus petite). Après avoir estimé que la probabilité de survenue de cet aspect était très faible (p = 0.0014), Arp notait qu’il existait une émission de source radio X le long de la barre de NGC 936 s'étendant à l'ESE de la galaxie, le noyau de la galaxie étant lui-même une source radio ponctuelle sur la carte radio en haute résolution (lui confirmant son statut de galaxie active, qui était incertain à l’époque). Il notait ensuite que les contours externes s'étendaient de cette source radio centrale au SE, vers le quasar à émission X comme le montre le schéma 2 ci-dessus (une carte de contours d'émission X extraite des données de l'Einstein Observatory Image Proportional Counter (IPC), extraites du catalogue Einstein Observatory Catalog (EOSCAT) of IPC X-ray Sources). Enfin, sur le schéma 3 (une carte radio NVSS - National Radio Astronomy Observatory (NRAO) Very Large Array (VLA) Sky Survey - centrée sur NGC 936) il montrait des radio-isophotes allongés de NGC 936 le long de la direction de la paire voisine de quasars z ∼ 2, avec un allongement plus marqué dans la direction du quasar z = 2,04, une source radio PKS très puissante (vue au coin SE du schéma). De la même façon, Arp montre sur le schéma 4 un continuum radio étendu de NGC 941 vers le bas, et enveloppant le quasar z = 1.130 à environ 2’ au sud.
Il avait déjà été constaté à l'époque qu'il existait des sources de rayons X et des sources radio compactes en dehors des galaxies, et / ou que les quasars avaient tendance à se former par paires équidistantes et alignées, les deux quasars se ressemblant étroitement par le redshift. La question qui se posait était donc de savoir comment ces sources étaient arrivées à cet endroit, et comment pouvait s’expliquer de tels décallages vers le rouge.
Vous avez aujourd’hui la réponse.
Références :
Quasars Associated with NGC 613, NGC 936 and NGC 941. H. Arp. Astrophysics and Space Science (2006) 301:117–126
Supernova 2003gs in NGC 936. R. Evans, H. Yamaoka, T. Dobosz, N. Suntzeff, P. Candia, M. Stritzinger, K. Krisciunas, J. Espinoza d D. Depoy. IAU Circ., No. 8171, #1 (2003). Edited by Green, D. W. E. July 2003
Do the galaxies NGC 936 and NGC 3198 possess massive spheroidal subsystems ? A. V. Khoperskov. Astronomy Reports, Vol. 45, No. 11, 2001, pp. 861–864.
Groups of galaxies. III. Some empirical characteristics. A. Mahtessian. Astrophysics, vol. 41 #3, juillet 1998, p. 308-321
The pattern speed of the bar in NGC 936. M. R. Merrifield & K. Kuijken. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 274, Issue 3, 1 June 1995, Pages 933–938
The velocity dispersion in the disk of the SBO galaxy NGC 936. J. Kormendy. Astrophys. J., 286, 132-143 (1984)
The stellar kinematics and dynamics of barred galaxies. I NGC 936. Kormendy, J. Astrophysical Journal, Part 1 (ISSN 0004-637X), vol. 275, Dec. 15, 1983, p. 529-548
Date de création :
Date de modification :
23 01 2019
05 12 2020